Les collectivités ayant signé la Charte pour l’Habitat Participatif expriment très clairement leur engagement en faveur de cette nouvelle pratique. Elles reconnaissent le potentiel de cette troisième voie entre le logement social et la promotion immobilière qui apporte des réponses nouvelles face aux enjeux actuels. Le rôle central des habitants dans la conception de leur cadre de vie et l’organisation des initiatives par l’action collective sont identifiés comme des éléments essentiels de la démarche. Ce positionnement des responsables de la politique publique correspond largement avec le point de vue du mouvement citoyen et l’approche du Réseau des Acteurs Professionnels (RAHP). Nous pouvons donc constater la mise en place progressive d’une démarche partagée par tous les protagonistes, y compris des institutions. Pouvons-nous pour autant considérer la cohérence du développement de l’Habitat participatif comme assurée? Ce n’est pas si sûr.
En avril de cette année, un article dans une publication économique annonçait « 300 logements participatifs » sur le territoire de l’un des membres du réseau des collectivités et réalisés exclusivement « par des opérateurs publics ». Il s’avère que la dimension participative de ces projets est très réduite car ce ne sont pas les habitants qui conçoivent leur cadre de vie collectivement. Les règles sont écrites par d’autres. À ce titre, nous considérons que ces projets ne tombent plus dans le champ de l’Habitat participatif tel qu’il a été défini par les collectivités. Avons-nous à faire à un cas d’utilisation abusive du terme? Un autre sujet qui attire notre attention est celui de la loi sur les coopératives d’habitants, actuellement étudiée par plusieurs sénateurs et députés et devant être présentée à la rentrée aux institutions législatives. Nous saluons cette initiative qui permettrait de multiplier les options pour les collectifs en terme de montage juridique et économique. En revanche, il est question de créer un label pour distinguer les projets « coopératifs et solidaires ». La problématique d’un label est qu’il pourrait figer les conditions de cette pratique et réduire ainsi l’espace d’expérimentation. Un autre danger serait la tentative de certains acteurs conventionnels d’adapter les modalités de ce label à leurs fonctionnements habituels. Le label HQE© en est un bon exemple de ce phénomène d’absorption. Au départ très ambitieuse, cette démarche a aujourd'hui perdu tout son intérêt et pratiquement tous les produits industriels portent ce label. La dilution de la participation par des acteurs publics et la tentative de labelliser et donc d’ « objectiver » ces projets, sont les dangers d’une institutionnalisation de l’Habitat participatif. Tous les protagonistes sincères cherchent actuellement des modèles fiables permettant la multiplication des projets. Cette recherche indispensable d’une certaine stabilité de la démarche doit prendre en compte les particularités de ces initiatives qui se construisent par les habitants, par le vivant. Ce sont eux qui écrivent leurs propres règles, ce sont eux qui donne un nouveau sens au « vivre ensemble ». La coopération est une démarche volontariste qui ne peut être prescrite ou imposée par le haut. Elle nécessite un engagement mutuel sincère des participants, c’est un choix à la fois individuel et collectif. La Charte des collectivités reconnaît l’utilité de ces projets venus d’en bas et elle précise bien le rôle des institutions : créer un cadre favorable au développement de l’Habitat participatif par la mutualisation des bonnes pratiques et par la modification de son environnement économique et juridique. Nous soutenons amplement cette approche et nous suivrons les évolutions avec beaucoup de vigilance. Cette pratique nouvelle et précieuse ne doit pas être institutionnalisée au prix de la perte de l’essentiel de son sens : la force du vivant, la liberté de s’associer et sa capacité de créer des liens et de l’espoir. Les acteurs institutionnels peuvent don participer activement à la formation de ces nouveaux espaces du possible que les habitants imaginent et désirent. Ce nouveau rapport interactif, ce lien réinventé entre le « Haut » et la « Bas » de notre société pourrait même être l’un des changements majeurs apportés par le mouvement de l'Habitat participatif. Nous espérons que ce sujet figurera au programme des prochaines Rencontres Nationales de l’Habitat Participatifs préparées par la Coordination nationale du mouvement citoyen en novembre à Grenoble.